• Jeannot l'Épouvantail

    Jeannot l'Épouvantail

     

    C’en est bien fini du temps des grands épouvantails

    Fabriqués au printemps, de guenilles et de paille.

    Jeannot ne fait plus peur.

    Son histoire se meurt.

      

    Son sourire édenté n’a pourtant pas changé

    Mais ses grands yeux, toujours ouverts sur le potager,

    N’ont aujourd’hui plus grand-chose à surveiller.

    Voilà bien longtemps qu’il ne sait plus effrayer.

     

    Le père André se faisant vieux et courbé,

    À petits pas sur sa canne toujours appuyé,

    N’est venu que peu de fois cette année.

    Quelques laitues et haricots il a plantées,

    Voilà tout ce qu’il reste du jardin délaissé.

    Hérissons et musaraignes s'en sont allés.

     

    Les corneilles se perchent sur son heaume,

    Et le déshabillent brin après brin.

    Elles feront leur nid de sa chair de chaume,

    De ses brindilles de chagrin.

     

    Lui, dont la présence fut toujours un bienfait,

    Aujourd’hui personne ne le remarquerait.

    Il n’orne même plus l’entrée de ce verger

    Que le pinson et la mésange ont déserté.

     

    Sa belle chemise rouge s’est délayée sous la pluie.

    Le vent et la grêle ont brisé sa pipe et troué son panier.

    Ses bretelles ont rendu l’âme, toutes décrépies,

    Et son pantalon rapiécé, sur ses genoux est tombé.

     

    Les larmes d’un épouvantail, qui s’en soucie ?

    Où sont passés ses amis, esprits de la nuit

    Qui venaient danser à ses pieds et ravir son cœur ?

    Sous la lune des nuits d’été, apaisant la chaleur

    Des journées à s’agiter contre les merles chanteurs,

    Qui venaient grappiller chairs et douces saveurs

    De framboises et cerises vermeilles,

    Pour lesquelles jamais il ne sommeille. 

     

    Que sont devenues ses légendes des cieux,

    Contant que les mannequins de fagots

    Furent autrefois mi-hommes, mi-dieux,

    Gardiens de trésors, ignorant le repos ?

     

    À présent que les ronces s’emparent de lui,

    Et s’apprêtent à le faire disparaître,

    Jeannot ne peut que s’enfoncer dans l’oubli,

    Dire adieu à son passé champêtre.

     

    La Saint-Jean n’a pas voulu de lui.

    Il y aurait brûlé sous les chants et les cris,

    Effrayant encore les plus petits,

    Détachant son souvenir, jusque dans leurs lits.

     

    Demeurant l’ami de paille éternel,

    Il aurait annoncé les récoltes des semences.

    Il se serait fait prometteur d’abondance.

    Dans les flammes de ce dernier rituel,

    Il aurait disparu quand finissent les danses.

    Dans un souffle il aurait atteint le ciel.

     

    Mais il n’en est rien, il n’aura pas cette chance.

    Son galurin tressé, a cuit au soleil de juillet.

    Prêt à se briser comme du verre, qu’a-t-il donc fait

    Pour disparaître dans une telle indifférence ?

     

    Jeannot aurait bel et bien été oublié,

    Si de petites mains habiles et gantées

    Ne l’avaient libéré de la vigne et du liseron,

    Et sur un pied de noisetier remis d’aplomb.

     

    Un nouveau chapeau, un nouveau pantalon

    Et un peu plus de foin dans les articulations.

    La petite Aurore pour le jardin s’est prise de passion.

    C’est le retour des choux, tomates et potirons.

     

    Avec les courgettes, la ciboulette et le cresson,

    C’est une nouvelle vie plus qu’une autre saison.

    Le sourire de Jeannot s’étire à chaque floraison.

    Sous la glycine, il écoute les vieux dictons

    Que le père André distribue comme des bonbons.

      

    La fillette les fredonne tandis que les oiseaux piaillent.

    Jeannot reste attentif à ce qu’ils passent et s’en aillent.

    Sur ses épaules de jute, trône un nouveau chandail,

    Fier de reprendre son rôle, il gonfle le poitrail.

    Le grand-père fume sa pipe, assis près de l’épouvantail,

    Dans le jardin, les portes du bonheur s’entrebâillent. ©


    Jeannot l'Épouvantail

    A ma grand-mère...   Jeannot l'Épouvantail



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  • Commentaires

    1
    vilcoyote
    Mercredi 30 Novembre 2011 à 16:11

    Heureusement que ça fini bien parce que j'avais le bourdon!


    Dommage on ne voit pas bien la dernière photo.Moi je sais ce qu'il y a d'écrit....


    C'est beau continue on ne s'en lasse pas.


    Gros gros bisous

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